Turbulences à la N-VA

Les tensions à la N-VA ont déjà fait couler beaucoup d’encre. En Flandre et au gouvernement fédéral, il s’agit quand même du parti dominant, porté au sommet par un raz-de-marée jaune et noir, mais ce parti, qui existe avant tout pour conduire la Flandre à l’indépendance, ne cesse à présent de reculer dans les sondages, essentiellement au profit du Vlaams Belang, plus radical, dont il avait réussi à siphonner beaucoup d’électeurs soucieux de voter « utile » et de mandataires attirés par la perspective du pouvoir. Installée au sommet de l’Etat belge, la très flamande N-VA y imprime sa marque et donne à certains de ses membres une visibilité qui les rend populaires mais, même dans un gouvernement fédéral dominé à 80 % par la Flandre, elle doit s’attendre à ce que l’exercice du pouvoir se paie électoralement. Bart De Wever, qui a longtemps été la seule figure de la N-VA, est soumis à une pression nouvelle et son repositionnement stratégique est commenté diversement par les médias.

Il s’agit d’une question existentielle, tant pour la N-VA que pour la Belgique. Avec sa verve habituelle, le chroniqueur Marcel Sel a écrit ce qu’il en pensait sur son blogue. Nous y renvoyons nos lecteurs. Voici notamment ce qu’on peut y lire :

Si la N-VA reniait le nationalisme, elle perdrait donc sa nature et finirait par s’évaporer, comme ce fut le cas de la Volksunie quand il se mit à trop « coopérer » avec la Belgique honnie. Et ses électeurs si peu indépendantistes ? Au minimum, ils ne sont pas dérangés par son profil ethnique et nationaliste, tout comme ceux du Vlaams Belang en 2004 (24 % des électeurs flamands) n’étaient pas dérangés par son fascisme et son racisme. Mais bien entendu, ils attendent nettement plus d’un parti politique qu’une simple idée nationale. Le génie de Bart De Wever est d’avoir « rempli » les cases manquantes du programme par le socio et l’économique. La rencontre entre lui et l’électorat de droite s’est conclue parce qu’ils partageaient un goût prononcé pour le conservatisme rigide et autoritaire.

Quant à l’ADN, face à la nécessité de contenter des électeurs pas forcément ou pas uniquement nationalistes, les ténors du parti se répartissent les rôles. Ainsi, Jan Jambon rappelle régulièrement que la Republiek Vlaanderen est la raison d’être du parti. Mais c’est à moyen terme. Siegfried Bracke répète tout aussi régulièrement que l’important, c’est le socio-économique. Tout en rappelant que lui aussi rêve d’indépendance — mais les rêves, c’est du long terme. Les leaders Geert Bourgeois et Bart De Wever unifient le message, comme le dernier l’a fait au micro de la VRT le weekend dernier. Je résume et traduis : « le programme N-VA est toujours le même, il est nationaliste et séparatiste, mais en 2019, on verra quelle partie de ce programme on appliquera (avec le MR) ; si jamais on m’imposait une négociation avec le PS, ah ! malheur ! je serai obligé de mettre tout le bazar sur la table. »

Pire : si la N-VA ne prévoit plus l’indépendance ou la république flamande à court terme, le confédéralisme n’est rien d’autre qu’une indépendance impérialiste. Dans cette perspective, les autres entités de la Belgique sont mises au service de la Flandre, la partie richissime du pays. Elle peut donc dicter ses conditions à l’autre partie, exsangue. Et elle ne reconnaît pas à Bruxelles, pourtant région à part entière, le droit de choisir son destin : elle sera, dans le plan N-VA, une capitale partagée. Sachant que c’est le moteur économique du pays, on peut se demander qui prendra la meilleure part de ce gâteau-là. En général, c’est le plus riche.

Impérialisme et autoritarisme, encore, quand Bart ne se gêne pas pour influer sur les choix des électeurs wallons par un chantage radicalement antidémocratique. C’est « soit, vous votez MR, soit je fais péter le bazar et vous n’aurez plus rien ». Il faut considérer son « peuple » comme immensément supérieur pour s’autoriser une telle dialectique. Mais cette attitude musclée séduit son public antisocialiste voire antifrancophone. De quoi rappeler à ceux que la méthode socioéconomique de Bart fascine au Sud du pays qu’ils ne sont pas concernés par le formidable progrès qu’il veut offrir, exclusivement, aux Flamands.

5 réflexions sur « Turbulences à la N-VA »

  1. En tout cas, De Wever joue à un jeu dangereux (électoralement parlant)… Beaucoup vont se tourner vers le Vlaams Belang… Mais bon, avec la N-VA, le VB, la liste Dedecker et tous les élus des autres partis qui font partis du « Vlaamse Volksbeweging » et du « Mouvement flamand », le projet d’indépendance de la Flandre, a encore de beaux jours devant lui…et notre projet de Wallonie française aussi, par la même occasion!!! Il faudra juste beaucoup de patience je pense… à moins que…parfois ça peut aller plus vite qu’on le croit…

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  2. BDW et G. Bourgeois ne sont plus si pressés d’en finir avec la Belgique.
    Par contre, ils savent qu’en cas de « Confédéralisme à la belge » les leaders de la région wallonne ne parviendront pas à maintenir le pouvoir d’achat actuel de leurs citoyens.
    Les plans « Marshall » coûtent plus qu’ils ne rapportent, l’économie est en déclin, les organisations syndicales font fuir les investisseurs fournisseurs d’emplois et le clientélisme ne permet pas une gestion saine et compétente de la fonction publique régionale.
    Avant de toucher le fond du gouffre, la Wallonie devra se tourner vers un partenaire économiquement solide, pour obtenir le redressement si souvent mentionné par les leaders politiques, mais jamais atteint.
    La Flandre pourra alors voter la séparation et la création d’une Nation à part entière.

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  3. J’ai trouvé ceci sur la RTBF: http://www.rtbf.be/info/dossier/7-a-la-une/detail_gilles-le-suisse-s-invite-a-la-fete-flamande-7-a-la-une?id=9400866

    A noter, au début de la vidéo, le journaliste qui présente le reportage, utilise l’expression « nos voisins flamands »! Normalement, quand on appartient à un soi-disant même pays, on parle pas de « voisins »!!! A méditer… En revanche, j’ignorais qu’il y a deux sortes de drapeaux flamands!

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  4. Exact, la péripétie de fin d’été à la NVA ne représente que le choc, traditionnel, entre les idéalistes et les politiciens dans un parti politique. Donc rien de nouveau sous le soleil. L’inquiétant dans tout cela reste l’immobilisme (apparent ?) des Wallons. Bart, actuellement dans le rôle du meilleur fils de la riche Mère Flandre, n’est jamais que le successeur de tous les pionniers de l’indépendantisme flamand, tous partis confondus, ne l’oublions pas. Les Wallons ne peuvent plus parler de folklore ou d’ignorance et encore moins de loyauté fédérale face à la Flandre. Les Wallons doivent se SAUVER que cela plaise ou non à Di Rupo qui n’a pas la moindre fibre wallonne. Si dans cette tragédie humaine, il existe un héros wallon, il doit se lever et traiter la fin de cette palinodie belge à l’exemple des Tchèques et des Slovaques. Pourquoi la Flandre craindrait-elle l’évaporation de la Belgique? L’application des règles commerciales et financières européennes ne s’arrêteront pas brutalement, l’exemple du « Brexit » le montre suffisamment. Quant à Bruxelles, les wallons peuvent la troquer en échange d’un lâchage des amarres plus avantageux que prévisible. Entre Berlin et Strasbourg, Bruxelles « capitale-temporaire-européenne » a encore des beaux jours devant elle.

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  5. Trouvé ceci sur RTBF: http://www.rtbf.be/info/regions/detail_messines-la-flamande-ne-veut-pas-des-camions-wallons-sur-son-territoire?id=9415847
    Et dire que d’après certains, « l’union fait la force »!!! Fait la « farce » oui! Et le Wallon en sera toujours le dindon!
    C’est tellement beau, la solidarité, l’entraide…Quel pays merveilleux!!!
    En France, on verra jamais des camions venant de Bretagne, être bloqués par des blocs en béton pour passer en Normandie…ça c’est sûr! Liberté-Egalité-Fraternité, ça n’a jamais été le cas en België!

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